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Le mécanisme des arrhes dans le Code civil monégasque : Entre héritage ancien et besoins modernes des transactions immobilières

25 juillet 2023

Nils Monnerie

Non catégorisé


L’article 1433 du Code civil monégasque dispose que lorsqu’une « promesse de vente a été faite avec des arrhes, chacun des contractants est maître de s’en départir : celui qui a donné les arrhes, en les perdant, et celui qui les a reçues, en restituant le double ».

Rappelons que selon la rédaction de cet article deux situations doivent être distinctes : si celui qui renonce à l’opération est également celui qui a versé les arrhes, ce dernier doit les abandonner. Au contraire, l’abandon de celui qui a reçu les arrhes, entraîne leur restitution au double de la valeur versée.

 

Les arrhes dans le Code civil monégasque

 

Les arrhes sont un mécanisme commercial existant depuis l’Antiquité. Historiquement, les arrhes étaient un moyen pour les parties d’acter leur engagement envers la transaction en versant une somme d’argent symbolique, marquant ainsi la conclusion d’un accord.

Il n’est pas question de remettre en question la fonction originellement probatoire des arrhes qui est parfaitement légitime. Pour autant, l’utilisation des arrhes à cette seule fin semble anachronique notamment dans le contexte de la Principauté. Les transactions immobilières sont fortement influencées par une conception affairiste des relations contractuelles. Il est étonnant que survive dans un tel environnement un mécanisme hérité du droit civil romain, et ce alors que des instruments de garantie alternatifs existent.

En revanche, le dévoiement résultant de la pratique contractuelle est sujet à critique dès lors qu’il conduit à détourner les arrhes de leur fonction première pour en faire un instrument libératoire.

 

La pratique contractuelle des arrhes en Principauté

À ce titre, et contrairement à un acompte, les arrhes offrent une porte de sortie à l’acquéreur, et ce jusqu’à la conclusion du contrat. La pratique contractuelle en Principauté semble assimiler les arrhes à un dispositif s’approchant plus de la clause de dédit ce qui crée une incertitude contractuelle dommageable. En outre, les conditions de restitution des arrhes, les circonstances dans lesquelles elles peuvent être retenues et les délais associés peuvent être sujets à des désaccords entraînants, de fait, des litiges qui devraient être normalement étrangers aux relations d’affaires. Cette complexité est contraire au besoin de simplicité et de certitude dans les transactions immobilières modernes.

 

L’utilisation des arrhes comme moyen de pression

Étonnamment, hors de la conception affairiste, l’utilisation des arrhes est critiquable non pour sa fonction libératoire, mais bien parce que l’instrument est employé à des fins comminatoires. Cette forme « d’arrhes-pression », caractérisée lorsque le montant des arrhes avoisine 20% du montant de l’opération totale, contraint indirectement le consommateur, et ce en raison du risque de perte financière qu’ils impliquent. Les consommateurs peuvent ainsi être dissuadés de quitter une relation contractuelle même s’ils rencontrent des difficultés ou des circonstances imprévues, ce qui peut les piéger dans des engagements financiers indésirables. En l’état, la surreprésentation des arrhes dans les transactions à Monaco est donc difficilement justifiable.

 

Repenser l’utilisation des arrhes dans le contexte commercial moderne

In fine, notons que l’évolution législative a limité ou encadré strictement l’utilisation des arrhes dans de nombreux pays. Cette évolution souligne la perception croissante de l’inadéquation des arrhes dans le contexte commercial. Il serait intéressant pour la Principauté de dépoussiérer son dispositif en reconsidérant l’utilisation des arrhes ou en explorant de nouvelles méthodes de paiement et de garantie plus adaptées aux pratiques commerciales modernes.